Et s’il y avait trente-six mille façons de partager ?

21 mai 2019 Par Cégolène Colonna
1- Pers Prog Personnelle Blog

Par cet article j'explore :

  • Les sources de confusion lorsqu’il s’agit différencier entre elles les différentes manières de procéder à un partage et d’évaluer leur fondement.
  • Les lignes directrices pouvant soutenir la réflexion et les décisions lorsque nous souhaitons assurément procéder à un partage ayant valeur d’équité.

 

Tous les partages se valent-ils ?

Qu’est-ce qu’un partage réussi ?
En quoi consiste un partage raté ?

La différence entre ces deux types de « partage » réside-t-elle dans la réussite du premier à générer une sensation d’« Ensemble » ?
Là où le second réussi à créer un sentiment de scission ?

De plus, ces perceptions sont-elles bien, dans l’un comme dans l’autre cas, les témoins d’une réussite ?
C’est-à-dire le fruit du succès des démarches mises en œuvre pour procéder au dit partage ?

Mon analyse m’amène à poser le postulat d’une réponse affirmative à cette dernière question.

Avec la conséquence de questionner à nouveau les différences significatives entre partage réussi et partage raté

En effet, dès lors que ce dernier est aussi issu d’un processus réussi, il semble logique de déduire que le ratage n’est pas imputable à une erreur de parcours, ni même à une quelconque maladresse, mais à quelque chose de fondateur du processus lui-même qui a été mis en place pour procéder au partage.

Comment les départager ?

Avant de nous interroger plus avant sur ces différences fondatrices qui permettent de les départager entre eux, il me semble utile de préciser ce qui m’amène à poser le postulat que tant les partages dits ratés que les partages dits réussis sont issus de processus réussis…

Tout simplement le constat qu’un partage peut être considéré comme réussi pour une personne et comme raté par une autre…

Je vois dans ce constat l’indice d’une vérité bien connue : Tout est relatif !

« Tout ça pour ça !? » me direz-vous…

Effectivement, parvenir à cette conclusion à l’issue d’une vingtaine de lignes d’article, c’est un peu maigre comme intérêt !!!

« Oui ! » et « Non ! » à la fois…

Oui, si l’on s’en tient à considérer que notre appréciation d’une chose ou d’un phénomène leur confère une qualité ayant valeur d’absolu ; c’est-à-dire, si l’on pose comme unique référence légitime notre système d’appréciation, alors, il est logique de penser qu’il suffit que je considère qu’un partage est réussi pour qu’il le soit.

Non, si l’on s’astreint à garder à l’esprit que la subjectivité des appréciations est une porte ouverte pour apporter à chacun des informations utiles et pertinentes sur d’autres manières d’être au monde ; c’est-à-dire sur des chemins de traverses par rapport à nos perceptions, émotions, pensées, …, habituelles.

Quels sont les pièges ?

Quelles sont les personnes de notre entourage à qui nous accordons cette qualité-là ? celle de mettre à notre portée une manière différente, et pourtant inspirante, d’approcher le monde, la vie, l’expérience humaine, … ?

Lorsque nous nous posons avec authenticité et humilité cette question, il arrive que nous ayons du mal à répondre, … que nous prenions conscience que ces personnes sont peu nombreuses, … que nous sommes finalement entourés de personnes qui nous ressemblent fichtrement, …

Pour ma part, cette constatation a tendance à me laisser supposer la présence d’un partage « entre soi », avec les personnes qui me ressemblent et avec lesquelles je m’assemble sans qu’aucun effort particulier ne soit nécessaire puisque nous sommes similaires.

Cette démarche comporte à mes yeux un danger majeur : celui d’oublier les autres, ceux qui sont suffisamment différents de moi pour qu’il y ait besoin d’une intention consciente de métissage pour m’associer avec eux, pour comprendre l’expérience qu’ils ont de la Vie et la manière dont ils intègrent cette expérience dans un système cohérent de représentations, de valeurs, d’envies, de rébellion, …

Et, dès lors que j’ai une certaine propension à oublier ces autres (ceux qui ne sont pas de mon origine, qui ne sont pas de mon milieu, qui ne sont pas de ma culture, voire de ma couleur de peau, …), il me semble raisonnable de penser que le résultat des opérations de partage que j’opère a de fortes chances de susciter un sentiment de scission inversement proportionnel à la sensation d’Ensemble qu’il va aussi produire.

Quels indicateurs de réussite ?

C’est un peu comme s’il y avait une barométrie mathématique de la perception qui sera générée par les partages dont j’ai la responsabilité : sur 100% des personnes impactées par le partage, quel sera le pourcentage de personnes qui estimeront qu’il est raté ?

Je propose volontiers la formule de calcul suivante : 100 – le pourcentage des personnes qui estimeront qu’il est réussi.

Autrement dit, plus j’ai réussi à satisfaire le nombre restreint de personnes qui me ressemblent, plus je réussi à créer une rupture avec le reste de l’humanité…

Dit comme cela, c’est un peu rude mais bon, j’assume.

D’autant plus que, si on la regarde de plus près, ma formule est biaisée : elle ne prend pas en compte les personnes indécises quant à l’estimation qu’elles font, ou feront, du fruit du partage que j’ai opéré, (vous savez, celles qui votent blanc, ou qui ne se prononcent plus…).

Là encore, ma bonne volonté à prendre en compte ceux qui ne fonctionnent pas comme moi est mise à rude épreuve…

Est-ce qu’ils comptent ou pas ? pardon, est-ce que l’on compte leurs voix ou pas ?

Quels garde-fous ?

Bref, puisqu’il y a effectivement trente-six mille façons de partager, quelles idées directrices puis-je garder à l’esprit pour exercer un partage le plus équitable possible ?

Je propose les interrogations suivantes :

  • Avec qui est-ce que je partage ?
    et
  • Avec qui est-ce que je ne partage pas ?
  • Est-ce que je partage « entre » ?
    ou
  • Est-ce que je partage « avec » ?
  • Est-ce que je « partage » quelque chose de tangible qui est d’ors-et-déjà sur la table ?
    ou
  • Est-ce que j’« étale » quelque chose d’intangible qui ne sera sur la table que plus tard ?
  • Est-ce que je suis prête à discuter avec d’autres des principes sur lesquels appuyer le partage que j’envisage ?
    ou
  • Est-ce que je suis (juste) prête à assumer que les principes sur lesquels j’appuie mes actions de partage dérangent ceux qui ne s’y reconnaissent pas ?
  • Ma manière d’envisager le partage respecte-t-elle une équité de faits ?
    et
  • Ma manière d’envisager le partage respecte-t-elle une équité d’enjeu ?

Qu'y a-t-il à perdre à s'y astreindre ?

Bien sûr, tout cela est un peu compliqué… pas très pragmatique… un peu trop intellectuel…

Ceci-dit, je crois avoir observé que les comportements manipulateurs sont souvent issus de personnes ayant une intelligence développée ; elles sont donc à mon sens tout à fait en mesure de s’interroger de la sorte lorsqu’elles souhaitent s’assurer que les décisions qu’elles prennent ne tombent pas sous le fait d’une maladresse d’analyse ou de communication.

À moins bien sûr qu’elles ne soient pas autrement gênées par le fait de partager de façon parfaitement inéquitable les ressources, les moyens et les richesses ; c’est-à-dire qu’elles assument parfaitement de réussir à procéder à un partage raté…

Mais, pourquoi alors ne pas assumer aussi parfaitement d’afficher leurs ambitions réelles face aux personnes qu’elles lèsent ?